Breadcrumb
Le recours contre tiers pour les employeurs publics Ecce Experts

Au risque de vexer nos lecteurs assidus, nous croyons utile de rappeler en préambule ce qu’est le recours contre tiers.

Le recours contre tiers (appelé aussi « recours tiers payeur » cf. notre article sur le sujet), est l’ensemble des actions de recouvrement de créances que des entités liées à une personne accidentée, mises à contribution du fait de son accident, peuvent engager vis-à-vis du responsable de l’accident et de son assurance.

Le recours contre tiers permet notamment à un employeur qui maintient la rémunération d’un salarié accidenté (non responsable) pendant son absence provoquée par l’accident, d’être remboursé. Pour parler simplement, l’employeur va obtenir de l’assureur du responsable, le remboursement du maintien de salaire et de ses accessoires ainsi que des charges afférentes.

Tous les employeurs peuvent tirer opportunément parti de ce mécanisme. Toutefois les enjeux sont beaucoup plus importants pour les employeurs publics que pour les employeurs privés.

Des enjeux différents selon que l’employeur est public ou privé

Les niveaux de couverture de maintien de rémunération s’efforcent d’être équivalents entre le public et le privé, mais force est de constater que les modalités de financement diffèrent totalement.

Dans le secteur privé, c’est la Sécurité sociale et, le plus souvent, des organismes de protection sociale complémentaire qui assument la plus grande partie du coût du maintien de salaire.

Pour des absences qui ne sont pas liées à un accident du travail, seule la « période de carence » (cf. encadré) est directement financée par l’entreprise.

Pendant cette période (presque toujours) inférieure à 6 mois, l’Assurance Maladie prend en charge 50% du salaire (limité au plafond Sécu) et l’entreprise finance le complément.

C’est à l’issue de cette période de carence que le régime de prévoyance rentre en action et prend le relais de l’employeur.

Le délai de carence (ou délai de franchise) d’un contrat prévoyance couvrant le risque incapacité est la période au cours de laquelle la couverture ne s’active pas. Ce délai est variable d’un contrat à l’autre. Des salariés couverts par un contrat qui aurait un délai de carence de 3 mois, percevront leur maintien de salaire directement par l’employeur pendant les 3 premiers mois (période de carence) puis seront indemnisés par leur couverture en prévoyance qui se substituera aux versements de l’employeur.

Pour les absences qui sont liées à un accident du travail, le financement direct du maintien de salaire pris en charge par la Sécurité sociale est encore plus important (80 % du salaire brut) et exonère l’employeur de tout complément*1.

Dans le secteur public, la situation est la suivante : « En matière de maladie, le fonctionnaire en activité cumule des droits sociaux de deux natures distinctes : droits à congé maladie du statut général des fonctionnaires avec maintien total ou partiel de la rémunération, d’une part, et droits de son régime spécial de sécurité sociale avec l’octroi de prestations en espèces de sécurité sociale, d’autre part. Dans tous les cas, ce sont les employeurs publics qui versent ces prestations en auto-assurance. »*2

Un exemple valant mieux qu’un long discours…

Un salarié est absent pendant un an au titre d’un arrêt maladie ordinaire. Afin de rendre la comparaison parlante on pose l’hypothèse que le premier jour d’arrêt n’est indemnisé, ni dans le secteur public, ni dans le secteur privé, et que le délai de carence est de 3 mois pour le secteur privé (délai assez courant).

Secteur privéprise en charge absence privé3

Secteur publicprise en charge absence public3

On voit bien, au travers de cet exemple, que le montant du maintien de rémunération (en gris sur les deux schémas) qui échoit à l’employeur public est sans commune mesure avec celui que verse l’employeur du secteur privé.

Pour les accidents du travail (dénommés « accidents de service » dans le secteur public), l’employeur public assumera l’intégralité du traitement de la victime pendant son absence.

Des enjeux financiers importants qui grèvent le budget des acteurs publics…

Les montants consacrés au maintien de rémunération en cas d’arrêt de travail dans le secteur public sont donc considérables.

Dans ce contexte, l’exercice du recours contre tiers comporte des enjeux très significatifs pour les employeurs publics.

Pour toutes les absences qui sont la conséquence d’un accident avec un tiers responsables, ils peuvent récupérer les sommes qu’ils ont consacrées au maintien de rémunération des agents concernés.

Ainsi auraient-ils tout intérêt à faire (ou à faire faire) un audit méticuleux des arrêts maladies des 5 dernières années (la prescription est quinquennale) pour identifier les sommes à récupérer. Les montants ainsi identifiés, puis récupérés au titre du recours contre tiers, s’inscriront parfaitement dans les efforts budgétaires auxquels les acteurs publics sont de plus en plus contraints.

Cette démarche ne se cantonne pas à une finalité financière, elle est l’occasion de s’intéresser aux agents qui ont été victimes d’un accident avec dommages corporels pour s’assurer qu’ils ont bénéficié, à titre personnel, d’une indemnisation décente des préjudices subis.

… Y compris (et surtout) pour les collectivités locales de taille modeste

S’il va de soi qu’une telle démarche est susceptible d’intéresser les collectivités territoriales, les hôpitaux publics, les établissements médico-sociaux publics, les administrations de l’Etat ou encore les établissements publics nationaux (EPA et EPIC) les plus importants, elle reste particulièrement pertinente pour les entités les plus modestes (communes, hôpitaux de petite taille, …). Celles-ci, pour qui chaque Euro de charge supplémentaire malmène les équilibres budgétaires, ne disposent, en général, ni des connaissances ni des ressources qui leur permettraient d’exercer le recours contre tiers. Il suffirait sans doute, qu’elles se penchent sur la question…

*1 On parle ici du coût direct du maintien de salaire étant entendu que le coût global des accidents du travail du secteur privé est refacturé par l’Assurance Maladie à l’entreprise, qui est responsable de sa propre sinistralité, par la modulation du taux de cotisation accident du travail assis sur sa masse salariale.

*2https://www.fonction-publique.gouv.fr/regime-de-protection-sociale-des-fonctionnaires-conges-pour-maladie-et-accident